En 1996, R-ASH, alors âgé de 11 ans, prend les platines pour la première fois pour scratcher. Depuis, il n’a toujours pas décroché. Habitué du Nouveau Casino, nous avons décidé de vous le présenter un peu plus. A travers ses mots, celui qui parle plus souvent par la musique qu’à travers les médias, nous explique comment, ce milieu du scratch, hélas peu connu du grand public, a évolué au fil des ans.
-Tu peux nous expliquer ton parcours brièvement ? De tes débuts à tes 7 titres DMC.
J’ai eu la chance de réaliser très tôt que j’avais une vocation pour la musique et plus précisément dans le Rap et la culture Hip Hop du milieu des années 90s, que d’autres appelleront “l’âge d’or”. Grâce à mon grand frère et mes cousins j’ai pu baigner très jeune dans l’effervescence du mouvement de cette époque là. J’ai commencé à mixer à 11 ans en 96; les platines CD n’existaient pas encore, un DJ ça mixait sur vinyle et rien d’autre… Paradoxalement la culture DJ était plus importante selon moi : les compilations mixées, les scratchs dans les morceaux de Rap, les émission de Radio, les magazines…. J’ai participé à ma première compétition de DJ DMC en 2000. Puis jusque 2010 je n’ai pas arrêté. Parallèlement à ça, j’ai eu plusieurs émissions de Radio, d’abord à Toulon (ma ville natale) sur une radio locale, puis Radio FG de 2004 à 2008 et Mouv’ aujourd’hui. J’ai été Dj de plusieurs groupes et ai mixé dans toute sorte de Clubs et de salles à travers la France.
- Qu’est ce qui t’a plus dans le fait de faire du scratch plus que du djing « simple » ?
A vrai dire je ne voyais pas trop l’intérêt de se dire DJ si on ne touchait pas au fond de la pratique. J’étais vraiment fasciné par ces sons si compliqués à reproduire, c’était comme une sorte de mystère à percer et comme je suis quelqu’un d’assez têtu ça a donné pas mal d’années de parfait autisme enfermé dans ma chambre. Au delà de ça c’est un moyen d’expression pour moi, étant un instrument principalement rythmique/quasi percussif, c’est la mise en abîme du flow et du style à l’état pur: comment se poser sur le beat, comment l’aborder rythmiquement. Si l’on parle de pratique pur du DJing tu ne peux pas prétendre t’exprimer autrement que par le scratch, je ne pense pas que caler simplement des disques au tempo suffise.
- On t’a vu sur scène avec Shiftee la dernière fois, on l’a interviewé et on lui a demandé de parler de toi. Il nous a dit que tu étais vraiment l’un des meilleurs et que tu avais ton propre style. Comment tu définirais ton style ?
En tant que scratcheur, je pense que ce qui caractérise mon style c’est son côté percutant mêlé à une exigence en terme de flow.
- Parles-nous un peu de Shiftee du coup ? Comment vous vous êtes rencontrés ?
On s’est rencontrés en 2007 au Championnat du monde DMC à Londres. Le mec était plutôt bon esprit et avait fait la différence en apportant une touche humoristique à ses prestations -ce qui s’est un peu avéré être sa marque au fil du temps. J’ai toujours apprécié les gens qui avaient un certain recul avec ce dans quoi ils pouvaient s’impliquer ou proposer.
- Aujourd’hui dans le monde du scratch avec qui tu aimerais travailler/collaborer ?
Je me suis souvent posé la question ces dernières années, à savoir si je devais me pencher sur la question de sortir un projet dit “Turntablist” ou autour du scratch.Je sais que les gens m’ont beaucoup identifié à ça mais à vrai dire j’ai du mal à trouver la finalité aujourd’hui d’un tel projet. Je pense que je l’utiliserai davantage pour le live plutôt que sur “disque” à moins que cela ne se prête réellement à la composition d’un morceau ou que ça serve vraiment le track final. Après si tu me dis de faire un album avec D-Styles par exemple, chez qui j’ai eu l’occasion d’aller à Los Angeles et avec qui j’ai passé du temps, là oui mais ce serait plus un plaisir personnel. C’est comme ces petites vidéo de scratch que je met de temps en temps sur ma page, c’est un prétexte pour donner des news aux gens qui me suivent mais dans l’absolu, je ne suis pas sûr que le scratch en sois suffise à mener à bien un projet complet musicalement. Ca reste un instrument parmi d’autre.
- Lors de la dernière “Mechanic”, une fille a surpris tout le monde en prenant les platines. C’était qui ?
C’est une fille que j’ai rencontré ce soir là, elle s’est présentée à moi en me disant qu’elle suivait ce qu’on faisait et qu’elle aussi était DJ, elle s’appelle Akilla Butter. A un moment de la nuit je lui ai proposé de faire une session scratch et honnêtement, elle a mis la pression !
- C’est rare les filles dans le scratch ?
Elles sont minoritaires mais il y’en a de plus en plus j’ai l’impression.
- Sans vouloir dire que tu es vieux, tu es un « ancien » du scratch maintenant. Tu prends des plus jeunes sous ton aile pour leur transmettre ton savoir aussi ?
Oui je donne des cours dans une association à 3 jeunes de 12 ans tous les mercredis.
- Shiftee me disait qu’il préférait les ambiances des petites salles aux ambiances underground. Toi aussi ou, tu préfères les grandes salles, blindées avec des gens qui ne connaissent pas forcement mais qui s’enjaille?
Je t’avoue que, devant n’importe quel public, je trouverais toujours un moyen de me les mettre dans la poche. Après dans l’absolu c’est vrai que si je peux jouer uniquement les choses que j’écoute dans mon Walkman c’est l’idéal.
- Qu’est-ce qui te plait quand tu joues au Nouveau Casino et que tu ne retrouves pas forcément ailleurs ?
C’est le fait qu’on soit dans une configuration pro avec un bon staff. L’agencement de la salle permet un rapport direct avec le public tout en offrant au DJ sa mise en valeur.
- Ca fait un bout de temps que tu es dans le milieu, en préparant l’interview j’ai entendu quelques mots que tu donnais à Canal+ quand tu avais 19 ans, donc tu es là depuis un bail. Comment la discipline a évolué dans le temps ? Notamment avec les nouvelles technologies.
Ca dépend de quoi on parle. Si c’est diffuser de la musique simplement, oui c’est plus facile qu’avant. Je crois qu’il y’a toute sorte de logiciels et autre qui permettent d’enchaîner les titres automatiquement. Après si on parle de DJing à proprement dit ça n’a pas vraiment changé en terme de créativité de la part des DJs: créer une ambiance, faire voyager les gens ou encore trouver des moment pour faire le show techniquement. Certes il y’a Serato et Traktor mais c’est juste des supports qui simplifient la vie et qui font qu’aller mixer en soirée ne soit pas systématiquement une tannée. J’ai connu l’époque où tu te trimbalais avec minimum 3 bacs à disques de 10 killos chacun, je t’assures que je ne la regrette absolument pas. D’autant qu’aujourd’hui c’est l’équivalent de 500 Bacs que tu emportes dans ton ordi, ça offre des perspectives différentes dans la façon dont tu peux gérer l’ambiance.
- La compétition, aujourd’hui tu es toujours dedans ?
C’était surtout un truc d’ado pour moi et éventuellement une manière de faire parler de moi dans le milieu. A l’époque les compétitions de DJs étaient importante du fait qu’elles étaient le seul moyen pour les aficionados de sonder ce qui se faisait. Internet a non seulement bouleversé ça mais aussi le rapport entre DJ et auditeur, si je veux proposer quelque chose au public je peux le faire de façon quasi direct, on n’a plus de pretexte. C’est devenu beaucoup de temps investit pour très peu de reconnaissance finalement. Je préfère davantage me concentrer sur la compo et la production et essayer de revenir prochainement avec de belles chansons à partager avec les gens. Cela dit je garde le scratch comme passion et rien ne m’empêchera de l’utiliser à bon escient en live ou dans mes morceaux.
Merci R-ASH.